Une première réussie
La première séance du ciné-club St Ke s'est tenue le 27 mars avec la projection du film de Jean Grémillon, "Remorques". Après un bref rappel des objectifs et du fonctionnement du ciné-club, la soirée s'est ouverte, en présence d'une cinquantaine de spectateurs, par la présentation du film et des circonstances de sa réalisation. Rappelons que le choix de ce film a été guidé par la volonté de rendre hommage au commandant Malbert, grande figure de Saint-Quay-Portrieux, et à travers lui à tous les sauveteurs en mer d'hier et d'aujourd'hui. C'est en effet la personnalité de Louis Malbert qui avait inspiré, en 1935, le romancier et prix Goncourt Roger Vercel pour créer le personnage principal de son roman "Remorques", d'où a été tiré le scénario du film.
Après la projection, un débat s'est engagé avec le public, débat qui a permis de mieux connaître la personnalité et les actions du commandant Malbert, grâce notamment au témoignage de sa petite-nièce, madame Sylvie Salaün, présente dans la salle.
Cette première séance s'est terminée par un "pot de l'amitié", offert par l'association dans le hall du cinéma, au cours duquel les échanges se sont pousuivis dans une ambiance conviviale.
© quaywaves 2012
Si vous avez manqué la séance...
...le film est toujours disponible en DVD, et vous pouvez lire ici la présentation qui en a été faite au cours de ce ciné-club :
Nous inaugurons ce soir notre ciné-club avec le film de Jean Grémillon, Remorques. Pourquoi ce choix ?
Plusieurs raisons nous l'ont inspiré :
-
La beauté du film, ses qualités
cinématographiques, son intérêt artistique, historique et documentaire.
-
La qualité de l’interprétation, portée par le
couple mythique Gabin-Morgan, mais avec aussi la présence d’une autre très
grande comédienne, Madeleine Renaud, et de remarquables seconds rôles, comme
Charles Blavette (le second) ou Fernand Ledoux (le bosco).
-
L’envie de faire découvrir ou redécouvrir un
cinéaste injustement oublié et aujourd’hui largement méconnu.
-
L’histoire elle-même, un drame sentimental
avec en toile de fond le quotidien des sauveteurs en mer.
Toutes ces raisons suffisent
largement à faire de Remorques un
film digne de figurer dans toute programmation de ciné-club.
Mais ici, à
Saint-Quay-Portrieux, il s’en ajoute une supplémentaire : le personnage
principal, celui du capitaine Laurent, interprété par Jean Gabin, est largement
inspiré – du moins pour ce qui concerne son métier et ses qualités humaines –
de la personnalité du commandant Malbert, grande figure de notre commune, où il
naquit et où il est enterré. Outre la rue qui porte son nom (derrière la maison
de la presse), vous connaissez certainement la double stèle qui lui rend
hommage sur le sentier des douaniers juste avant la table d’orientation, avec deux bas-reliefs
l’un représentant son portrait, l’autre son remorqueur, "L’Iroise".
En programmant ce film, nous
avons donc voulu lui rendre hommage, et à travers lui à tous ceux qui risquent
leur vie en mer pour en sauver d’autres, et marquer notre attachement à la vie et à l’histoire de notre commune.
Pour en venir au film
lui-même, il est le fruit de la rencontre entre un roman de l’écrivain Roger
Vercel, dont la mer était une des principales sources d’inspiration, et le
cinéaste Jean Grémillon, qui, bien que né en Normandie, était particulièrement
attaché à la Bretagne où il avait déjà tourné plusieurs films.
Un an avant la parution de Remorques, Roger
Vercel avait obtenu le prix Goncourt en 1934 pour son roman Capitaine Conan,
qui sera adapté plus tard au cinéma par Bertrand Tavernier.
Roger Vercel, qui vivait
alors en Bretagne, a connu le commandant Malbert ici, à Saint-Quay-Portrieux.
Il lui a fait raconter ses sauvetages, il l’a accompagné en mer pour s’y
imprégner des mille petits détails qui nourriraient son livre, qui est avant
tout une fresque sur la vie des marins sauveteurs.
Grémillon, lui, est de
formation musicale (il a débuté comme violoniste de cinéma à l’époque du muet).
Il aborde la réalisation au début des années 20 par plusieurs courts-métrages
industriels, puis, en 1924, par une œuvre plus personnelle, Tour au large, un documentaire
impressionniste (dont il ne reste que quelques images aujourd’hui) où il laisse
déjà paraître ses affinités avec la Bretagne et la mer. En 1928, il tournera un
autre film, de fiction cette fois, ayant aussi pour cadre la Bretagne
(Saint-Guénolé) : Gardiens de phare,
qui, lui, connaît un grand succès.
L’apparition du parlant
donne un coup de frein à sa carrière, et, au début des années 30, il ne réalise
pratiquement que des films de commande, avant de s’exiler plusieurs années en
Espagne. En 1935, il est invité à venir travailler à Berlin par Raoul Ploquin,
qui dirige la branche française de la UFA (Universum-Film Aktiengesellschaft).
Les deux premiers films qu’il y tourne sont plutôt médiocres (Valse royale et Les pattes de mouche, en 1936), puis il renoue avec le succès grâce
à Gueule d’amour, en 1937, qui marque
aussi sa rencontre avec Gabin (et Mireille Balin). La même année, autre
succès : L’étrange Monsieur Victor,
avec Raimu et Viviane Romance.
C’est dans ce contexte qu’il
rentre en France pour s’attaquer au projet de Remorques, dont Raoul Ploquin détient les droits. .Et c’est le
début d’une aventure assez exceptionnelle dans l’histoire du cinéma.
Un premier scénario est
demandé à Vercel, qui ne propose rien de plus qu’un résumé de son roman. On
fait alors appel à Charles Spaak, scénariste de métier, qui avait signé deux
ans plus tôt La Grande Illusion, de Jean
Renoir, avec, déjà, Gabin, et surtout les deux derniers films de Grémillon.
Mais la UFA refuse de poursuivre le projet. Sous peine d’abandon, il faut
trouver très vite un repreneur. Ce sera un juif allemand immigré (la précision a son importance : nous sommes
au début de 1939), Joseph Lucachevitch, qui, avec sa société – la Sédif –
venait d’obtenir un succès phénoménal avec Hôtel du Nord.
Simultanément, un troisième
scénariste prend le relais : André Cayatte, qui deviendra plus tard un
réalisateur célèbre (Nous sommes tous des
assassins). Il y en aura encore un quatrième, qui finalement signera le
scénario définitif et les dialogues : Jacques Prévert.
Côté distribution, le rôle
du capitaine Laurent (il s’appelait Renaud dans le roman et dans le scénario initial, mais la présence de Madeleine Renaud au générique a imposé un changement de nom) a été
dévolu dès l’origine du projet à Jean Gabin, dont la popularité était immense
après les succès de La Grande Illusion
et de Gueule d’Amour. Il était ainsi
tout désigné pour incarner le modèle de courage et de sens du devoir auquel la
France aspirait en cette sombre année 1939.
Inversement, le choix de
Michèle Morgan pour le rôle de Catherine ne se fera que tardivement, en juin
1939, quelques semaines seulement avant le début du tournage. Avec ce choix,
c’est le couple mythique du Quai des
Brumes qui est reconstitué, et le scénario final s’en est trouvé fortement
infléchi.
Le tournage de Remorques a lui aussi connu bien des
péripéties, qui ont influencé l’aspect même du film. Il débute en juillet 1939
à Brest, pour une quinzaine de jours d’extérieurs. Le seul énoncé de cette date
peut rétrospectivement nous donner à penser que la suite n’allait pas être
simple. Les quelques scènes tournées
dans les rues de Brest pendant cet été 39 constitueront d’ailleurs les
dernières images connues de Brest avant les bombardements américains de 1944.
Pour ces extérieurs, Michèle
Morgan, retenue par un autre tournage, ne peut se libérer que trois jours,
juste le temps de tourner la scène centrale du film, sur la plage du Vougot.
De retour à Paris, l’équipe
reprend le travail le 11 août aux studios de Billancourt pour les scènes
d’intérieur.
L’entrée en guerre de la France
le 3 septembre et la mobilisation de Gabin et Grémillon interrompent le
tournage. Il reprendra sept mois plus tard, le 6 mai 1940, pour 25 jours, grâce
à une permission exceptionnelle accordée aux deux hommes et à d’autres membres
de l’équipe. Faute de temps, certaines scènes ne seront pas réalisées, imposant
des ellipses dans le montage.
Quand le tournage est de
nouveau interrompu, les Allemands sont sur le point d’entrer dans Paris. Le
producteur Lucachevitch s’embarque pour les États-Unis. Louis Daquin,
l’assistant réalisateur, et le monteur Marcel Cravenne emportent les bobines
pour les mettre en lieu sûr dans le Midi.
La production redémarre
début 1941, quand Grémillon est démobilisé. Entretemps, Morgan, puis Gabin ont
eux aussi rejoint les États-Unis. Leur présence n’est heureusement pas
indispensable aux quelques scènes restant à tourner. La dernière image est
enregistrée le 2 septembre 1941. Grémillon, qui a pu récupérer les bobines
dispersées lors de la débâcle, a déjà entrepris le montage. Le film peut
finalement sortir le 27 novembre 1941 Il reçoit un accueil triomphal.
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