mercredi 4 avril 2012

Ciné-club

Une première réussie


La première séance du ciné-club St Ke s'est tenue le 27 mars avec la projection du film de Jean Grémillon, "Remorques". Après un bref rappel des objectifs et du fonctionnement du ciné-club, la soirée s'est ouverte, en présence d'une cinquantaine de spectateurs, par la présentation du film et des circonstances de sa réalisation. Rappelons que le choix de ce film a été guidé par la volonté de rendre hommage au commandant Malbert, grande figure de Saint-Quay-Portrieux, et à travers lui à tous les sauveteurs en mer d'hier et d'aujourd'hui. C'est en effet la personnalité de Louis Malbert qui avait inspiré, en 1935, le romancier et prix Goncourt Roger Vercel pour créer le personnage principal de son roman "Remorques", d'où a été tiré le scénario du film.
Après la projection, un débat s'est engagé avec le public, débat qui a permis de mieux connaître la personnalité et les actions du commandant Malbert, grâce notamment au témoignage de sa petite-nièce, madame Sylvie Salaün, présente dans la salle.
Cette première séance s'est terminée par un "pot de l'amitié", offert par l'association dans le hall du cinéma, au cours duquel les échanges se sont pousuivis dans une ambiance conviviale.

© quaywaves 2012



Si vous avez manqué la séance...

...le film est toujours disponible en DVD, et vous pouvez lire ici la présentation qui en a été faite au cours de ce ciné-club :

Nous inaugurons ce soir notre ciné-club avec le film de Jean Grémillon, Remorques. Pourquoi ce choix ?
Plusieurs raisons nous l'ont inspiré :
-       La beauté du film, ses qualités cinématographiques, son intérêt artistique, historique et documentaire.
-       La qualité de l’interprétation, portée par le couple mythique Gabin-Morgan, mais avec aussi la présence d’une autre très grande comédienne, Madeleine Renaud, et de remarquables seconds rôles, comme Charles Blavette (le second) ou Fernand Ledoux (le bosco).
-       L’envie de faire découvrir ou redécouvrir un cinéaste injustement oublié et aujourd’hui largement méconnu.
-       L’histoire elle-même, un drame sentimental avec en toile de fond le quotidien des sauveteurs en mer.
Toutes ces raisons suffisent largement à faire de Remorques un film digne de figurer dans toute programmation de ciné-club.

Mais ici, à Saint-Quay-Portrieux, il s’en ajoute une supplémentaire : le personnage principal, celui du capitaine Laurent, interprété par Jean Gabin, est largement inspiré – du moins pour ce qui concerne son métier et ses qualités humaines – de la personnalité du commandant Malbert, grande figure de notre commune, où il naquit et où il est enterré. Outre la rue qui porte son nom (derrière la maison de la presse), vous connaissez certainement la double stèle qui lui rend hommage sur le sentier des douaniers juste avant  la table d’orientation, avec deux bas-reliefs l’un représentant son portrait, l’autre son remorqueur, "L’Iroise".
En programmant ce film, nous avons donc voulu lui rendre hommage, et à travers lui à tous ceux qui risquent leur vie en mer pour en sauver d’autres, et marquer notre attachement  à la vie et à l’histoire de notre commune.
Pour en venir au film lui-même, il est le fruit de la rencontre entre un roman de l’écrivain Roger Vercel, dont la mer était une des principales sources d’inspiration, et le cinéaste Jean Grémillon, qui, bien que né en Normandie, était particulièrement attaché à la Bretagne où il avait déjà tourné plusieurs films.
 Un an avant la parution de Remorques, Roger Vercel avait obtenu le prix Goncourt en 1934 pour son roman Capitaine Conan, qui sera adapté plus tard au cinéma par Bertrand Tavernier.
Roger Vercel, qui vivait alors en Bretagne, a connu le commandant Malbert ici, à Saint-Quay-Portrieux. Il lui a fait raconter ses sauvetages, il l’a accompagné en mer pour s’y imprégner des mille petits détails qui nourriraient son livre, qui est avant tout une fresque sur la vie des marins sauveteurs.
Grémillon, lui, est de formation musicale (il a débuté comme violoniste de cinéma à l’époque du muet). Il aborde la réalisation au début des années 20 par plusieurs courts-métrages industriels, puis, en 1924, par une œuvre plus personnelle, Tour au large, un documentaire impressionniste (dont il ne reste que quelques images aujourd’hui) où il laisse déjà paraître ses affinités avec la Bretagne et la mer. En 1928, il tournera un autre film, de fiction cette fois, ayant aussi pour cadre la Bretagne (Saint-Guénolé) : Gardiens de phare, qui, lui, connaît un grand succès.
L’apparition du parlant donne un coup de frein à sa carrière, et, au début des années 30, il ne réalise pratiquement que des films de commande, avant de s’exiler plusieurs années en Espagne. En 1935, il est invité à venir travailler à Berlin par Raoul Ploquin, qui dirige la branche française de la UFA (Universum-Film Aktiengesellschaft). Les deux premiers films qu’il y tourne sont plutôt médiocres (Valse royale et Les pattes de mouche, en 1936), puis il renoue avec le succès grâce à Gueule d’amour, en 1937, qui marque aussi sa rencontre avec Gabin (et Mireille Balin). La même année, autre succès : L’étrange Monsieur Victor, avec Raimu et Viviane Romance.
C’est dans ce contexte qu’il rentre en France pour s’attaquer au projet de Remorques, dont Raoul Ploquin détient les droits. .Et c’est le début d’une aventure assez exceptionnelle dans l’histoire du cinéma.
Un premier scénario est demandé à Vercel, qui ne propose rien de plus qu’un résumé de son roman. On fait alors appel à Charles Spaak, scénariste de métier, qui avait signé deux ans plus tôt La Grande Illusion, de Jean Renoir, avec, déjà, Gabin, et surtout les deux derniers films de Grémillon. Mais la UFA refuse de poursuivre le projet. Sous peine d’abandon, il faut trouver très vite un repreneur. Ce sera un juif allemand immigré (la précision a son importance : nous sommes au début de 1939), Joseph Lucachevitch, qui, avec sa société – la Sédif – venait d’obtenir un succès phénoménal avec Hôtel du Nord.
Simultanément, un troisième scénariste prend le relais : André Cayatte, qui deviendra plus tard un réalisateur célèbre (Nous sommes tous des assassins). Il y en aura encore un quatrième, qui finalement signera le scénario définitif et les dialogues : Jacques Prévert.
Côté distribution, le rôle du capitaine Laurent (il s’appelait Renaud dans le roman et dans le scénario initial, mais la présence de Madeleine Renaud au générique a imposé un changement de nom) a été dévolu dès l’origine du projet à Jean Gabin, dont la popularité était immense après les succès de La Grande Illusion et de Gueule d’Amour. Il était ainsi tout désigné pour incarner le modèle de courage et de sens du devoir auquel la France aspirait en cette sombre année 1939.
Inversement, le choix de Michèle Morgan pour le rôle de Catherine ne se fera que tardivement, en juin 1939, quelques semaines seulement avant le début du tournage. Avec ce choix, c’est le couple mythique du Quai des Brumes qui est reconstitué, et le scénario final s’en est trouvé fortement infléchi.
Le tournage de Remorques a lui aussi connu bien des péripéties, qui ont influencé l’aspect même du film. Il débute en juillet 1939 à Brest, pour une quinzaine de jours d’extérieurs. Le seul énoncé de cette date peut rétrospectivement nous donner à penser que la suite n’allait pas être simple. Les quelques scènes tournées dans les rues de Brest pendant cet été 39 constitueront d’ailleurs les dernières images connues de Brest avant les bombardements américains de 1944.
Pour ces extérieurs, Michèle Morgan, retenue par un autre tournage, ne peut se libérer que trois jours, juste le temps de tourner la scène centrale du film, sur la plage du Vougot.
De retour à Paris, l’équipe reprend le travail le 11 août aux studios de Billancourt pour les scènes d’intérieur.
L’entrée en guerre de la France le 3 septembre et la mobilisation de Gabin et Grémillon interrompent le tournage. Il reprendra sept mois plus tard, le 6 mai 1940, pour 25 jours, grâce à une permission exceptionnelle accordée aux deux hommes et à d’autres membres de l’équipe. Faute de temps, certaines scènes ne seront pas réalisées, imposant des ellipses dans le montage.
Quand le tournage est de nouveau interrompu, les Allemands sont sur le point d’entrer dans Paris. Le producteur Lucachevitch s’embarque pour les États-Unis. Louis Daquin, l’assistant réalisateur, et le monteur Marcel Cravenne emportent les bobines pour les mettre en lieu sûr dans le Midi.
La production redémarre début 1941, quand Grémillon est démobilisé. Entretemps, Morgan, puis Gabin ont eux aussi rejoint les États-Unis. Leur présence n’est heureusement pas indispensable aux quelques scènes restant à tourner. La dernière image est enregistrée le 2 septembre 1941. Grémillon, qui a pu récupérer les bobines dispersées lors de la débâcle, a déjà entrepris le montage. Le film peut finalement sortir le 27 novembre 1941 Il reçoit un accueil triomphal.



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